< 1915 - Le front de la Somme II >
20 mai
Toujours rien de nouveau à part la relève qui doit avoir lieu la nuit prochaine. Nous irons à Morlancourt à 12 km de là.
Midi nous prenons notre poste d'observation, il fait très calme à part un coup de fusil qui part au plus tous les quart d'heure, c'est le silence le plus absolu. A l'heure où j'écris ce passage, je suis à mon poste assis en face d'un soleil luisant. Que cela est bon, après la semaine pluvieuse que je viens de traverser, je me sens enfin revivre et quand je pense que demain nous serons au repos, pour 7 jours, je me réjouis encore d'avantage. Cependant avant de partir, je brûle du désir de visiter le terrain qui se trouve entre la 1ère et la seconde de nos lignes. Une odeur nauséabonde nous vient de là, j'ai l'impression qu'il y a un cadavre. Si je le trouve, je le ramènerai.
8h1/2, c'est l'heure favorable pour mon excursion, je me déséquipe, mais il y a un obstacle auquel je ne comptais pas. Mes deux chefs de section me font comprendre que mon geste n'étant d'aucun profit pour la compagnie, un o..... reçu là pourrait être taxé d'imbécilité, je me rends à ce raisonnement et ne fais rien.
21 mai
4h du matin, nous sommes relevés par le 410, arrivée à Morlancourt à 7h ½ - je tire ma flemme toute la journée et à 5h ½ du soir la compagnie se rassemble pour aller à Meaulte, travailler en tranchée-mince de repos- Méaulte, très bonne nuit passée à l'abri au lieu de travailler.
22 mai
Rien à faire toute la journée, manger et boisson jusqu'au-dessus de la tête ; nous rassemblerons à 7h1/2 ; cette fois pour travailler et demain jour de la Pentecôte nous retourneront à Morlancourt.
23 mai
Après un travail de nuit qui a duré 5h, nous rentrons à Morlancourt. C'est la Pentecôte. L'après-midi nous allons à la rivière et prenons des bains.
24 mai
Petite promenade à Vouire sous Corbie, nous apprenons que l'Italie a déclaré la guerre à l'Autriche. A midi je reçois l'ordre de m'occuper de l'ordinaire.
25 mai
Comme caporal d'ordinaire je prends fonction et fait les distributions de vivres. L'après-midi quelques achats en prévision du départ de ce soir. Nous allons aux tranchées mais en 3ème ligne seulement.
28 mai
Nous sommes au troisième jour, nous éprouvons quelques difficultés pour le ravitaillement en eau, mais le reste marche bien. Tous les soirs à 5h, nous recevons une rafale de marmites, sans résultat. 2 jours avant notre arrivée, il y avait eu 5 morts
Midi, il y a eu des mutations dans les escouades, mes rations sont mal distribuées, les poilus rouspètent, mais le capitaine, bon coeur, ne me fait aucune observation.
29 mai
De 8h du soir à minuit, sauf une intervalle de ¾ d'heure, les Allemands envoient sur les deuxièmes lignes et les cuisines (3ème) de 77 et 105, sans aucun résultat.
30 mai
10h du matin, nouveau bombardement sans résultat, la nuit suivante départ pour le repos cantonnement Bray-sur-Somme.
4 juin
Raid d'avion allemand au-dessus de Bray, l’artillerie et les mitrailleurs le bombarde sans résultat.
5 (ou 6 ?) juin
Réception d'un colis venant de Marie. Le soir descente aux tranchées-repère 2 installation des cuisines assez bonnes, mais le couchage est un véritable fumier, heureusement le capitaine donne l'ordre pour que de la paille nous soit délivrée le lendemain.
7 juin
Reçu une lettre de ma femme, tout trois vont bien à la maison, mes camarades sont prisonniers.
Toute la nuit à gauche et à droite de notre secteur, violent bombardement d'artillerie- à 7h lancement de saucisses par les Allemands; résultat deux blessés dans ma section, 3 tombent à quelques mètres des cuisines mais personne n’est atteint, le soir alerte sans résultat.
8 juin
7h au soir, un 98 autrichien (*) employé par les Allemands, tombe à 10 m de ma cuisine, le déplacement d'air me soulève de ma chaise alors que je suis en train d'écrire à ma femme, personne n'est atteint.
-------------------------------------------------------------------
* ? car peu lisible
9 juin
8h ½ nous faisons sauter une mine et assistons à un magnifique feu d'artifice. Les 75 et 77 s'entrecroissent, la fusillade est bien nourrie, les torpilles tombent dru et nous réussissons à n'avoir aucune perte.
10 juin
La mine d'hier soir a fait une victime parmi mes connaissances. En prenant l'entonnoir la 7ème compagnie a eu 7 blessés, 2 tués-1 h du soir la 6ème compagnie à 6 blessés par un saucisson.
11 juin
Relève à 8h-retour des cuisines pour Morlancourt-la compagnie doit y arriver à 4h demain matin.
12 juin
Cantonnement plein de poux, moi-même en ai sur moi. Le capitaine fait changer la paille. Le soir défilé d'autobus – c'est le 293 qui part pour une action énergique du côté d'Arras.
13 juin
La terre a tremblé toute la nuit du côté d'Arras, un duel d'artillerie n'a pas cessé une minute, nous attendons du nouveau, peut-être va-t-on nous amener-9h du soir alerte, la compagnie descend à la ferme de Bronlay pour des travaux de tranchées.
14 juin
Les environs de la ferme de Bronlay (*) me paraissent d'un séjour agréable quoique à proximité des lignes. Il fait un temps splendide et ma distribution de vivre faite, je vais visiter une batterie de 98 et une de 75. à 7h1/2 du soir, retour à Morlancourt.
La ferme de Bronfay aujourd'hui. En 1915 il n'y avait pas d'étage.
---------------------------------------------------------------------------------------------------
* Après vérification, ils'agit de la ferme de Bronfay
17 juin
Remonte aux tranchées-départ du cantonnement à 6h- arrivée à 8h1/2. La relève se fait d'une façon normale.
18 juin
7h nous faisons sauter une mine au bois français ; cette mine allume une allemande, résultat, l'ennemi tient l'entonnoir ½ section amochée.
19 juin
Une salve fait tomber le parapet nous séparant des allemands, nos partons. 11h nous conservons la tranchée malgré un fort bombardement.
20 juin
Nous faisons sauter une nouvelle mine, elle fait un entonnoir de 28 mètres de long pour lequel Allemands et Français entrent en lutte ; une vingtaine de blessés ou tués de part et d'autre. Résultat : chacun à cause du terrible bombardement est obligé de rester à chacun ........ placer la mine étant intenable.
21 juin
Bombardement de Bray par cinq ...... , rien que dégats matériels.
22 juin
Cette nuit bombardement de nos tranchées. Nous avons 3 (*) .... , les allemands envoient une torpille roulante qui nous démoli un parapet, personne n'est touché-Bray a été de nouveau bombardé par les avions, nous avons un tué et plusieurs blessés-le soir 9h départ des cuisines pour Morlancourt, à minuit ½ relève de la compagnie.
-------------------------------------------------------------------------------------------------
(*)note : mots illisibles, on ne sait pas s'il s'agit de tués ou de blessés.
23 juin
Cette nuit il y a eu un grand incendie à Bray, il paraît que cela a été provoqué par l'espionnage.
24 juin
Départ de la compagnie pour Querroy (*)
--------------------------------------------------------------------------------------------------
(*) illisible mais après vérification il s'agirait de Carnoy au SE d'Albert et de Fricourt
25 juin
Retour à Morlancourt
26 juin
Par le capitaine Page je suis proposé au grade de sergent; ce sera probablement pour la fin du mois prochain. Mon ferme désir est de m'arrêter là, car n'ayant jamais été aussi soldat que depuis la guerre, je n'ai pour moi que mon autorité sur les hommes, mais théoriquement, je ne connais rien.